Selon une étude réalisée par l’OCDE, la France occupe le 24e rang européen (sur 27) concernant l’utilisation du numérique dans l’éducation. C’est afin de combler ce retard que le gouvernement a mis en place à partir de la rentrée 2013 « l’Ecole du numérique ». La formation occupe une place centrale dans cette stratégie, avec pour objectif de former 150 000 enseignants dans les deux ans. Mais n’aurait-il pas fallu établir une réelle stratégie de formation en amont du lancement du projet ?
En France, la nécessité de la formation des enseignants aux outils numériques est une problématique récente. Il a fallu attendre un arrêté du 14 décembre 2010 pour voir la création d’un certificat informatique et internet de l’enseignement supérieur de niveau 2 « enseignant » (C2i2e). Ce certificat atteste des compétences professionnelles de l’enseignant dans l’usage des TICE. Si le C2i2e est aujourd’hui obligatoire pour enseigner, ce n’est que depuis l’année 2012 que sa possession est obligatoire pour le recrutement des nouveaux enseignants. Or, selon le rapport de la mission parlementaire Fourgous de 2012 « Apprendre autrement à l’ère numérique », seuls 7% des enseignants possédaient ce certificat en 2012. De plus, on observe une grande disparité dans la formation des étudiants au C2i2e. En effet, si dans certaines universités, ce sont des enseignants-formateurs qui se chargent de la formation, dans d’autres ce sont des «spécialistes» qui forment les futurs enseignants. Or l’approche n’est pas la même. Un enseignant privilégiera un regard transversal et théorique des TICE alors qu’un spécialiste insistera davantage sur l’aspect pratique de l’outil. La mission parlementaire Fourgous pointait donc en 2012 la nécessité d’une double formation adaptée à la fois aux outils et aux usages. De plus, ce rapport fournit des statistiques inquiétantes : 45% des enseignants-formateurs et 26% des étudiants pensent que le C2i2e est adapté, 11% des universités n’avaient pas instauré de formation au C2i2e, 47% n’avaient pas mis en place de dispositif permettant la certification. Enfin, le volume moyen de formation variait de 8h à 80 heures.
Concernant la formation continue, celle-ci repose essentiellement sur des demandes individuelles. De plus, les plans académiques de formation ne permettent pas de distinguer la formation au numérique lorsqu’elle est intégrée aux formations disciplinaires. Les autres formations au numérique (ENT, utilisation des TBI…) représentent moins de 20% des actions de formation académique.
Le gouvernement a donc tenté de réagir en créant, à partir de la rentrée scolaire 2013, des Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Ces nouvelles structures proposent, entre autres, une formation initiale et continue au numérique. L’objectif à terme étant de faire de ces établissements des « opérateurs privilégiés » de la formation continue des enseignants. Néanmoins, il n’est pas sûr que le problème sera réglé, il est même probable qu’il soit repoussé. En effet, le bon déroulement du passage de l’école française au numérique passe inévitablement par la formation du corps enseignant mais également par celle des formateurs, car comment dispenser une formation de qualité quand 37% des enseignants-formateurs ne se déclarent pas à l’aise avec les TIC ?
De plus, comme le souligne Nora Machuré, vice-présidente de l’Association Française des Acteurs de l’Education (AFAE), la formation des cadres de direction a été oubliée par le gouvernement. Or, ce sont eux qui sont les décideurs pédagogiques. Former 150 000 enseignants d’ici 2015 apparait donc comme un objectif louable mais peut-être aurait-il fallu former un public plus large, au risque de mettre en péril la stratégie numérique de l’Education Nationale.
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