Depuis le 16 octobre 2013, Facebook a fait évoluer sa politique de confidentialité des profils de ses utilisateurs mineurs, afin de davantage les protéger en leur créant un statut spécial. Néanmoins, de nombreuses voix se sont élevées contre cette réforme vue comme trompe l’œil et qui laisserait toujours aussi exposé le jeune public.
Ce questionnement, qui aborde le sujet central de la protection de l’identité sur Internet, est légitime puisqu’il est au cœur de la détermination sociale de l’individu, d’autant plus lorsqu’il touche les jeunes. Les jeunes générations, par leur exposition, représentent un terrain propice aux débordements de toutes sortes, aux conséquences potentiellement non négligeables sur leur future vie, professionnelle notamment.
Soyons clairs, si même le Saint-Siège aujourd’hui tweete, c’est que le réseau social, et par extension Internet, n’est pas une chose « diabolique ». Comme dans maints domaines, le problème n’est pas le support mais son utilisation.
Aujourd’hui, grâce à l’« hyperconnexion » du monde, Internet et les réseaux sociaux offrent de formidables opportunités pour la sphère professionnelle. Les distances et le temps sont des réalités qui tendent à s’effacer, marché et offre du travail sont rapprochés de manière significative, le recrutement, par un profilage préalable, pourrait se révéler plus pertinent en amont et ainsi offrir de nouvelles sources d’informations. Les rapports changent, un recruteur autrefois anonyme, aujourd’hui un employeur doit se « mouiller » en affichant lui aussi un profil visible contenant un certain nombre d’informations sur lui et sa société. Egalement une démarche proactive de la part des recruteurs, qui peuvent plus facilement contacter directement des profils qui correspondent à leurs attentes. En cela, les réseaux sociaux offrent des opportunités grandissantes aux jeunes qui entrent sur le marché du travail.
Toutefois, face à cette nouvelle réalité que l’on ne peut ignorer et qu’il serait vain de combattre, les jeunes générations ne semblent pas toujours prendre toute la mesure de leur vie virtuelle. Si les réseaux sociaux, notamment professionnels comme LinkedIn ou Viadéo, sont de formidables plateformes de socialisation professionnelle, l’absence très répandue chez les jeunes de contrôle de leur vie privée sur les réseaux personnels de type Facebook ou Twitter peut engendrer de sérieux freins à leur insertion dans la vie active. S’il s’agit aujourd’hui encore d’un épiphénomène, de plus en plus d’employeurs « googlisent » leurs employés ou futurs employés, et contrôlent leur vie numérique. Si la publicité parodique des Google Glass mise en ligne sur Youtube est sans doute un peu caricaturale, elle révèle bien les dangers en présence.
Nombre de personnes et même de cabinets de management, comme au sein d’études publiées par Sapiance RH, Robert Half RH ou encore ITR Manager, fustigent cette habitude que pourraient prendre les employeurs de contrôler sur le net les informations privées de leurs employés ou candidats, arguant légitimement d’une violation de la vie privée et d’une certaine forme de discrimination. Seulement, il est illusoire de penser que quiconque aura suffisamment de recul et de froideur mentale pour ne pas se fier, au moins en partie, à ce qu’il trouvera sur Internet. C’est un réflexe, en l’occurrence certes dommageable mais humain, que d’avoir un a priori négatif sur un candidat dont on a pu contempler longuement les photos de ses soirées beuverie sur Facebook.
Au delà d’une nécessaire éducation des plus jeunes, et moins jeunes d’ailleurs, quant aux règles de confidentialité et d’accessibilité de leur profil personnel sur Internet, la dimension indispensable est de les sensibiliser à cette question qui leur paraît le plus souvent très lointaine quant à des éventuelles conséquences sur leur avenir. L’opportunité ou non de posséder un profil Facebook ou autre relève du libre choix de chacun, mais sans doute serait-il profitable d’intégrer davantage une sensibilisation pour un contrôle personnel plus aigu des informations qui y sont transmises et des enjeux qui s’y rattachent. Le droit à l’oubli sur Internet n’existe pas, tout ce qui est publié un jour l’est à vie.
Enfin, l’on peut constater que le cœur véritable du problème est plus profond que cela. Le rapport à autrui aujourd’hui, la désocialisation grandissante des gens au travers d’outils virtuels, marquent un danger sociétal nettement plus grand que ce dont il a été question jusqu’ici. Il est vrai que l’Âge d’Internet offre de nouvelles voies et formes de relations sociales, mais il est tout autant exact qu’un monde virtuel entièrement dédié à l’égo et à l’exposition de sa vie ou de ses mérites au plus grand nombre, dénotent un profond manque de lien humain. Par ailleurs, la véracité des propos ainsi tenus par les utilisateurs sur les réseaux ne fait que peu ou prou l’objet de contrôle, ce qui peut rendre en termes de démarche de recrutement, la collecte d’information très aléatoire. Le développement croissant de la nomophobie, l’isolement des gens les uns des autres, la virtualité d’avoir des milliers « d’amis », le désir quasi compulsif de raconter les moindres détails de son existence, constituent un cas de préoccupation tout aussi important et plus global encore, que les conséquences des réseaux sociaux sur l’insertion professionnelle des jeunes générations.
Johan Corniou-Vernet
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